Compoix aux Archives départementales de la Haute-Loire

par Martin de Framond

Archives départementales de la Haute-Loire. Compoix de Haute-Loire. Compoix du Puy 1720-1730 (1 J 149 626).
Archives départementales de la Haute-Loire. Compoix de Haute-Loire. Compoix du Puy 1720-1730 (1 J 149 626).

L’aigle héraldique sur champ fleurdelisé des armoiries e la ville du Puy-en-Velay, en médaillon. Encre et aquarelle. Compoix du Puy 1720-1730, détail de la page 1 J 149 626.

Présentation réalisée par Martin de Framond aux Archives départementales de la Haute-Loire à l'occasion du séminaire "Compoix méridionaux" organisée par la coordination Terrae tenu aux Archives départementales le 23 mai 2014.

  • L’impôt est une réalité ancienne, mais la manière de l’« asseoir », de le « lever » a beaucoup varié suivant les temps et les lieux : les traditions juridiques de telle ou telle région ont influé autant que les accidents de l’histoire. De ce fait dans l’ancien royaume de France les différentes provinces ont des pratiques bien tranchées dans ce domaine à la fin de l’Ancien Régime.
  • Pour l’impôt direct, à partir du XIVe siècle le grand Languedoc qui comprend le Velay, le Gévaudan et le Vivarais se détermine pour un impôt déterminé par la qualité juridique des biens-fonds plutôt que par celle des contribuables. Dès lors la qualité de l’« assiette » repose sur une estimation précise des revenus produits par chaque parcelle. Les communautés d'habitants se lancent dans la confection de documents fiscaux fonciers, des cadastres, des estimes, ou des compoix. Ces documents attribuent aux parcelles une valeur évaluée de manière abstraite par un système de points, qui se convertit automatiquement en monnaie quand on lui applique la somme totale à lever.

 On peut aussi taxer le cheptel, ou «cabal».

Estimation foncière en livres et en points.
Estimation foncière en livres et en points.

Archives départementales de la Haute-Loire. Compoix de Haute-Loire.
Estime de Saint-Georges-Lagricol, 1577, détail. 1 C 865.

Classement des parcelles (dixième et onzième), estimation foncière en livres, et allivrement en oboles et parts de points
Classement des parcelles (dixième et onzième), estimation foncière en livres, et allivrement en oboles et parts de points

Compoix de Solignac-sur-Loire, 1744, détail. 1 C 957.

Puisque c’est la qualité de la terre, assujettie ou exemptée, qui décide de l’impôt et non celle des personnes, les nobles de Velay paient pour leurs terres roturières.

La Margot, compoix du Puy de 1544.
La Margot, compoix du Puy de 1544.

Détail. Cotes de « nobla Clauda Maurina » et de noble Jacques Maurin, bailli de Velay. 1 C 926.

Document d’usage, les compoix ont été munis de compléments comme des index des noms des terroirs ou des contribuables, souvent longtemps après leur confection.

 

La Margot, compoix du Puy-en-Velay de 1544.
La Margot, compoix du Puy-en-Velay de 1544.

Répertoire ajouté au XVIIIe siècle : par « isles », ou quartiers/pâtés de maisons. 1 C 926

Répertoire par localités et contribuables.
Répertoire par localités et contribuables.

Estimes de Mézères de 1490. C 881.

La confection de tels documents n’est pas à la charge de l’administration royale ni de celle des états povinciaux ou diocésains. Ce sont les communautés qui s’en chargent elles-mêmes, dûment autorisées, autour des plus riches contribuables, assistés de techniciens, juristes et notaires. C’est, si l’on ose dire, un des grands moments de la démocratie locale, accompagné de fortes tensions. Les tensions reparaissent au moment de la levée, puis quand le compoix vieillit, rendant nécessaires des mises à jour. Aussi les estimes et compoix ont-il été des documents entourés d’une très vive attention.

L’actuelle Haute-Loire est constituée de la réunion d’un diocèse languedocien, celui du Puy, avec des territoires retirés à deux autres, ceux de Viviers et de Mende ; plus une importante part du Brivadois et du Langeadois, pays auvergnats ; et des fragments des pays de Forez et de Lyon. Les diocèses languedociens se conforment aux procédures des pays de droits écrit, non les autres ; encore y a-t-il des variations d’un diocèse languedocien à l’autre.

Le Vivarais

Il n’y a que dans la partie du département qui relevait de l’ancien Vivarais que semble exister la diversité méridionale des types de compoix : terrien et cabaliste à Pradelles, 1719-1740, 1 C 2634-1635.

Un tisserand de Pradelles taxé à raison du cabal.
Un tisserand de Pradelles taxé à raison du cabal.

Compoix cabaliste de Pradelles, 1719. 1 C 2635.

Le Velay

Le Puy-en-Velay, cité chef-lieu, grosse agglomération, très tôt pourvue d’un consulat, est un cas à part pour les compoix aussi : ils sont plus anciens, plus nombreux, plus ornés. Cette municipalité conserve ses archives qui remontent au Moyen Age : on y trouvera les principaux documents de ce type du XIVe et XVe siècle ; de ses compoix, les Archives départementales de la Haute-Loire conservent surtout des copies, réalisées sans doute pour des personnes privées, comme le compoix du Puy de 1720-1730 conservé dans le fonds Pomarat, 149 J (illustrations en début de ces pages et plus bas).

Le gros bourg monastique du Monastier-sur-Gazeille s’est aussi fait faire un cadastre dès 1484 (1 C 889, copie du XVIIe siècle), renouvelé en 1585, 1608, sans doute 1642.

Ailleurs en Velay, parfois les terriers des seigneurs hauts justiciers suffisent pour les opérations de levée, comme à Saint-Didier.

Jusqu’en 1600, le vocabulaire ne connaît que le terme d’estimes. On en a conservé pour de petites communautés d’habitants depuis 1490 (Mézères, 1 C 881), 1503 (Vertamise, 1 C 980-981, original non conservé), puis 1516 (Prantlary, 1 C 821), puis régulièrement (1524, Chazaux-de-Choumouroux, 1 C 844 ; 1554-1571, Bouzols parcelle de Charensac, 1 C822 ; 1574, Agrain, C802 ; 1575, Aiguilhe, 1 C 803-804 ; 1605-1606, Artias, 1 C 805-807). La plupart sont en latin.

À partir du début du XVIIe siècle le terme de compoix apparaît. Dans de petites localités ou seigneuries rurales. En 1600 à Saint-Pal-de-Mons, 1 C 936. En 1611 au Mas-de-Tence, 1 C 880. En 1613 au Malzieu et La Mouteyre, 1 C 2616. En 1618 à Ulmet, 1 C 967, à Vieilhermas-La Tour, 1 C 983. En 1636 à La Tour-Maubourg et Chabrespine, 1 C 962-964. En 1648 à Bessamorel, 1 C 817. Tous sont en français.

En 1643-1645, les anciennes estimes de Vertamise de 15.. sont rétrospectivement qualifiées de compoix (1 C 980- 981).

Puis des localités plus importantes passent au compoix. 1677-1679, Polignac, 1 C 914-917.

Le XVIIIe siècle voit la confection d’énormes compoix en plusieurs tomes, bien reliés, parfois décorés, et recopiés en plusieurs exemplaires : 1744, Solignac-sur-Loire, 1 C 955-958.

Le Gévaudan

L’évolution paraît semblable dans la partie du département qui relève de l’ancien Gévaudan, diocèse de Mende. On a gardé des estimes de la paroisse rurale de Saint-Vénérand en 1543, 1 C 2613. Le terme de compoix est attesté au XVIIe siècle avec le compoix de la très petite localité rurale de Sauzet près Venteuges, 1643, 1 C 2616, recouvert sans façon d’un gros cuir de vache raccommodé.

Compoix de Sauzet près Venteuges, 1643. Couvrure.
Compoix de Sauzet près Venteuges, 1643. Couvrure.
Compoix de Sauzet près Venteuges, 1643. Détail. 1 C 2616.
Compoix de Sauzet près Venteuges, 1643. Détail. 1 C 2616.

L’Auvergne

Les diocèses de Clermont et de Saint-Flour, province d’Auvergne, relevant du parlement de Paris, échappent largement aux influences juridiques du Midi. En fait, on y trouve quelques compoix, à la limite du Velay. 1642, compoix de Saint-Jean-de-Nay, 1 C 2694-2695. Mais ce sont plutôt des « arpentements généraux », au XVIIIe siècle, comme à Saint-Paulien (1 C 2697) et à Vieille-Brioude (1 C 2699), rien dans les agglomérations les plus importantes, Brioude ni Langeac.

Un patrimoine dispersé

Compoix du Bouchet-Saint-Nicolas, p. 1 et 2. Num.
Compoix du Bouchet-Saint-Nicolas, p. 1 et 2. Num.
Compoix du Bouchet-Saint-Nicolas, p. 1 et 2. Num.
Compoix du Bouchet-Saint-Nicolas, p. 1 et 2. Num.

Bien que peu de municipalités de la Haute-Loire aient une continuité avec les anciens mandements, il subsiste encore des compoix dans les archives municipales ou en mains privées. Une mobilisation du public a permis il y a quelques années d’acheter un compoix de Solignac-sur-Loire. Les Archives départementales de la Haute-Loire en ont très récemment reçu en dépôt.

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